mercredi 3 février 2010

Les médecins endurcis à la douleur

Jean Decety de l'Université de Chicago aux États-Unis et des chercheurs de l'Université nationale Yang Ming à Taïwan viennent de publier dans la revue NeuroImage les résultats de leurs travaux sur la manière dont les médecins réagissent à la douleur de leurs patients.

Les médecins apprennent avec l'expérience à gérer leurs émotions et cette gestion est automatisée.

Les mêmes chercheurs avaient précédemment démontré que lors de la vision d'un traitement douloureux administré à un tiers, certaines zones du cerveau s'activent.
Ces zones correspondent à celles qui s'activeraient si nous étions nous-mêmes confrontés à cette douleur.
Les médecins dans l'exercice de leur métier doivent garder leur sang-froid: il s'agit de rester lucide afin d'administrer le traitement le plus adapté. Des zones du cortex pré-frontal des médecins s'activent lorsque ceux-ci sont en présence d'un patient qui souffre. Cette activation permet de conserver un contrôle spécifique des émotions.

Le protocole de la dernière recherche sur le sujet met des médecins et des non médecins en présence d'images de personnes piquées. Les mesures par électroencéphalogramme montrent une différence immédiate entre les deux groupes. Alors que le cerveau des personnes non médecins réagit un dixième de seconde après la vision de la piqure, le cerveau des médecins ne réagit pas. Ce contrôle implicite précoce de l'empathie pourrait être acquis au cours des études et de l'expérience professionnelle, selon Jean Decety.

Commentaires : La mise en évidence du contrôle de l'empathie dans cette étude se fait à partir de la vision d'une piqure.Si l'on reste dans le contexte médical, on pourrait se demander s'il existe un seuil de "douleur" supposé au-delà duquel le cerveau du médecin ne peut plus réguler ses émotions? le contrôle est-il dépendant ou indépendant du niveau supposé de douleur ? comment ce contrôle se met en place ? comment évolue-t-il ? les médecins opèrent-ils tous le même contrôle?
L'empathie ne concerne pas uniquement la douleur physique, qu'en est-il dans les situations de souffrance, détresse, handicap, maladie ?
Ce contrôle existe-t-il hors du cadre médical? Comment un cerveau réagit à la dépression
d'un conjoint, au handicap d'un enfant? Comment le cerveau réagit quand il doit prendre au quotidien des décisions ayant une incidence sur la santé, la qualité de vie, la vie d'autrui ? Ce contrôle inconscient peut-il être soumis à la volonté dès lors qu'il est connu?